projeter sur elle

Les douleurs éphémères s’éphémérident,
s’alignent, à la pointe du fusil des jours courant
à la queue leu leu devant les rides
de la jeunesse qui brave, brave …

Coeur tatoué me défonce le crâne de l’intérieur
Avec ses rythmes d’enfant charmante
Me blesse, me blesse, en rimes et turpitudes malotruses
Elle se prend pour qui porcelette jaune rose vert

Elle se prend pour qui la déesse de la puérilité livresque?
Elle se prend pour qui la sale prononceuse de vils discours vains et légers?
Elle se prend pour qui, elle se prend pour qui, elle se prend pour qui, elle se prend pour qui, elle se prend pour qui?

Sans mot. Elle danse dans sa grosse boite et les petites notes de toutes les couleurs dansent autour d’elle, sur fond blanc immaculé.

La vie c’est salissant,
et c’est pas qu’à cause du chauffage.
Apprends, apprends. Marque toi au fer rouge, pas à la craie. La marelle est terminée. Tu es au ciel, maintenant redescends.

La vie c’est salissant
Surtout parce qu’elle échaffaude
pour se sortir du fond

Dans le fond c’est salissant
Parce que les mots sont sales, parce qu’avec eux qui s’extirpent avec peine de mes voies respiratoires renâclant le mucus, parce que les mots sont enduits, enrobés des déjections de bactéries qui m’habitent la tranchée, guerre de trachée, guerre de soldats, mouille mouille les mots de boue organique.

Dans le fond c’est salissant, parce que tu es laide et prétends à la beauté. Parce que tu es vile et me touche. Dans le fond c’est salissant, parce qu’à te côtoyer je deviens quelconque et qu’à t’aimer, tu deviens quelqu’un. Mais je te hais je te hais je te hais hardie dilettante.

Tu me pues au nez. Tu pues à mon nez, pue pue, jeunesse libre. Tu vagabondes dans tes effluves florales trop piquantes pour ta petitesse. Pue, sale, pue, tu te parfumes à l’inodore, tu t’estompe tous les matins en t’aspergeant de perfection.

Et tu es laide. Laide comme les rideaux de chez Gaston, qui sont de bon goût, mais sans ambition. Tu es laide avec ton regard plein. Tes joues qu’on baise tendrement parce qu’elles l’inspirent, grasses et douces, ton genou qui se plie et se replie dans une grossière exhibition sous-cutanée de tendons et de rotules. Tu es laide. Tu es laide.

Tu ne m’inspires que dégoût. Viens je te prendrai contre moi.

Le tour

Peut-être a-t-on fait le tour. Circonscrit le sens de tout ceci. Sans doute, on avance. Sans espoir, avec juste ce qu’il faut de confiance pour croire qu’il n’y a pas de murs insurmontables devant soi. De part et d’autre de chacun d’eux, un escalier de ciment se dessine dans une alcôve. Nul ne saura où ils mènent, et surtout s’ils mènent au même endroit.

Nous en choisirons un, de droite, de gauche, l’escaladerons, à chaque pas correspondant un battement de coeur, de ceux qui nous font frémir toute la cage thoracique, à chaque marche, une répercussion sur les tempes, et la chaleur au visage, qui s’enfle sous l’effort et la rougeur. Le vide, qui siffle au tympan. Le froid contre les joues, flagelle la peau, laminairement.

Dans l’air brumeux du matin de l’automne tardif, baigné de la lumière bleuâtre du petit jour, perçant au travers de quelques flocons écartés de leur tempête, j’irai,
droit devant,
vers un de ces murs.

Prendrai à gauche,
ou à droite selon l’humeur du moment,
et le sourire que j’apercevrai, à droite, à gauche, je gravirai les marches,
mon Kilimandjaro à moi,
ma cause ne soulèvera pas d’engouement, je m’engouffrerai derrière le muret
de béton,
je ferai l’ascensscssion, longue, dans la noirceur du petit jour qui n’a pas encore su
gagner
ce qu’il faut de conviction
pour illuminer la voie couverte

je monterai les marches, celles du bord de la route, là,
dans cette grotte construite par l’homme, par science et technique…

j’irai….

De moi ou du décor, je ne sais rien de ce qu’il adviendra.

En passant par chez moi…

En passant par chez moi, un soir de grande noirceur, j’ai aperçu au fond de la cour quelques vestiges de mon ancienne vie. Quelques lattes de bois dur posées contre le cabanon. Il faudrait bien que je revienne ici, faire un peu de ménage… Mais il y a tant à faire ailleurs. Tant de bonheur à vivre. À quoi bon revenir m’épancher sur toute cette saleté?

…et si j’en avais envie?

J’aimais bien quand l’écriture était mon exutoire…

envie de vomir non réprimée

Elle t’appartient, vieille génération qui rêvait de farniente, bien étendue sur une plage de sable raffiné. Tu rêvais de grande vie, de liberté, et l’on sait que tu n’es grand et libre qu’à sirotter un jus d’orange, préssée à même l’arbre. On dit de l’humain qu’il est capable du pire et du meilleur, de toi que tu est vieille et molle.

On dit aussi t’avoir vue aujourd’hui courbée, endolorie des brûlures d’une vie à cuire dans nos fours, 100% fraiche, 100% blanche, 100% pure, triée à la main, cuisinée des meilleurs ingrédients, mais tu n’as plus la saveur d’antan. Ça ne s’améliorera pas, dis-tu. Certes, non. Tu sais ce qu’on dit de tes petits enfants?

Ils sont lâches. Ils sont violents. N’ont plus de morale. Baisent à 12 ans. Se déchirent l’anus à 14. Fument. Boivent. Se droguent. N’est-ce pas qu’ils sont beaux, tes petits enfants?

Ils sont vils, prétentieux, superficiels. Ils se vêtissent de ridicule. Ils flashent.

Ils profitent de la vie qu’on leur a détruite avant de la donner.

Comme si c’était un vrai blog.

Allé voir munich hier. Merde, Spielberg est une loque. Un téléviseur explosé. Un radio sur «mute». Un excrément. une pustule sur la face du cinéma. Un oisillon à la cervelle écrasée sur la branchaille du nid familial. C’est une plaie béante sur la poitrine vulgairement exposée de Marie-Josée Croze, d’où s’école le sang visqueux de ses créations.

Merde, quel con.

Professionnel…

– Je ne suis pas tout à fait certain de ce que j’avance… À ma première lecture, vers le dixième chapitre, j’ai eu l’impression que l’auteure voulait nous faire ressentir…à la relecture, ça a plein de sens…
– Évidemment!
– En fait, l’idée se développe… peut-être pas la culture …
– Vous êtes ici pour.. ..qu’à me demander…
– …intéressant de voir… le sentiment présenté dans tous les chapitres… en fait le même que ressent…à cette différence près…comme une mise en abyme du propos…le sentiment…l’émotion…vivement…pour ma part, je doute que…
– mais non, mais non… c’est une évidence… pas être un génie pour…
– pardon, ça…
– … l’ai su dès le premier chapitre…
– Bien sûr, comme je vous disais… les références… pas le «background»…
– …l’expérience…. mes connaissances…
– Oui,… qu’une ébauche…
– … pas même une…Moi … conseillerais…
– …un conseil comme un ordre…
– … n’aviez pas la culture … moi…
– Il me semble … capable de m’interroger…
– Moi, je … Vous êtes libre, mais je vous conseille, parce que je… moi… d’habitude…
– Que faut-…
– Les étudiants… j’ai raison… je SAIS que… d’autant plus que je connais bien le correcteur, dit-il d’un air entendu.

Mardi III

Le patron du café m’accueille avec une moue. Instinctivement, je regarde ma montre. Six heures vingt-cinq… Je lui renvoie un sourire digne des starlettes d’Hollywood : faussement enthousiaste et figé, le coin gauche de la lèvre supérieure légèrement relevé. Je ne peux rien pour cacher le dégoût; c’est un sentiment trop authentique, qui se profile de l’intérieur vers l’extérieur, en réaction à cet extérieur. C’est un mouvement naturellement violent, qui répond à une intrusion dans mon confort. M0n illusion de confort. Ma complaisance dans l’inconfort. Un inconfort que j’ai choisi et qui conséquemment m’est passablement confortable, assez du moins pour que je souhaite qu’on m’y laisse tranquille.

Le patron du café m’accueille avec une moue. Instinctivement, je regarde ma montre. Six heures vingt-cinq… Je ne suis pas en retard, j’ai pris soin de ne pas faire claquer la porte, j’ai essuyé mes souliers sur le paillasson, je le déteste, il me hait, je suppose que c’est suffisant pour que nous grimacions.

— Est-ce que je suis si laid à voir?
— Plus que jamais. Un distributeur à glaçons, trois mots qui en sortent, durs, translucides, qui s’éclatent sur le plancher, se répandent, en pièces, sur le plancher de bois. Vieux salopard qui se permet de lire dans mes pensés. Évidemment, je ne les prononce pas, ces mots. Je n’en prononce aucun. Petit sourire de sa part, esquissé, comme du crayon de plomb sur une serviette de papier, pâle, flou, déchiré…
— Quand tu me sers ton rictus de plastique… habituellement, c’est pas bon signe. Si ça t’embête pas, je vais me contenter de la cuisine pour ce matin, tu feras le service. Quelque chose dans ton attitude me dit que je ferais fuir les clients…

J’acquiesce à sa demande. Ironiquement, il est plus drôle quand il est malheureux. Connard.

Un mardi II

La réalité, c’est qu’il y a des frais pour résilier un abonnement, un téléphone à faire, des explications à fournir au téléphoniste, de multiples dérangements dont on se passe aisément. La réalité c’est en fait que ce quotidien m’emmerde et que je ne vois pas comment je tolèrerais qu’on me le livre tous les matins, avant six heures, à ma porte. Je ne pense pas que j’accepterais un tel affront.

L’élection de tel candidat dans telle circonscription en élection complémentaire, la démission de tel PDG, la découverte du cadavre de tel employé de tel supermarché, sur telle rue, pour telle raison, que tel policier explicite à tel journaliste médiocre engagé par tel directeur de production depuis que tel propriétaire d’empire médiatique a mis la main sur tel autre journal, faisant de la publicité croisée en partenariat avec tel restaurant, ce que décrie dans les pages d’opinion tel citoyen tellement vexé.

Tout ça pour un résultat assez médiocre, c’est-à-dire un papier qui, une fois replié sur lui-même plusieurs fois, ne forme pas même un rouleau assez volumineux pour effrayer un schnauzer. Je sors du dépanneur en taisant toutes ces considérations, et j’envoie valser la Voix dans la poubelle de rue.

Des pas qui accourent vers moi. C’est Éric. Il me salue d’une embrassade comme lui seul sait en faire. Léchage de la joue droite lorsque je me penche vers lui. Éric est le seul des clients du café à agir aussi familièrement. Le seul à ne jamais payer. Et le seul qui soit toujours sur la terrasse, hiver comme été. J’ai souvent tenté de convaincre le patron de le laisser rentrer, arguant qu’il ne serait pas plus dérangeant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

« Ce salopard de chien rentrera ici quand sa propriétaire daignera se montrer avec lui! »

La mère de Fannie-Claude a emménagé dans un foyer pour personnes âgées quelque temps après la rupture de sa fille et de son gendre. Des raisons nébuleuses. Peut-être une maladie incurable. L’amour filial. Ou l’honneur. Elle a laissé son petit logement à Fannie-Claude, l’assurant qu’elle pourrait vivre de l’héritage de son mari et des revenus du triplex. En échange, Fannie-Claude prend soin d’Éric, son schnauzer.

C’est-à-dire qu’elle le fait entrer le soir et le laisse sortir le matin, oubliant de le nourrir certains jours, ce dont la boule de poil ne semble pas trop se plaindre, toute affairée qu’elle est à jouer de la patte sur mon t-shirt, et de la langue sur ma figure. Il faudrait parfois que les chiens cessent d’aimer, comme les humains savent si bien le faire; qu’ils cessent, eux aussi, de fréquenter les cafés que leurs maîtres délaissent.

Un mardi

Un mardi. Il pleut. Il pleuvra toujours dans cette histoire. Le Québec est un pays pluvieux. Un pays gris. Le lieu de quelques arcs-en-ciel, de quelques routes éclatantes sous la pluie, surtout le lieu de la stratosphère opaque. N’en découlent que des images lourdes. Que des déceptions froides. Aucune sueur. Une proximité entre automates hyperréalistes toujours divisée par des brises fraîches. Des feux d’artifice qui éclatent au raz le sol. Des pétards mouillés.

Ici, on se grise aux champignons qui se forment dans l’humidité des murs, qui enveniment l’air. On est drogué au quotidien. On est asservi au guichetier du métro, aliéné par le bruit sourd des dix-roues. On se déplace, tête inclinée, pour affronter les hordes d’eau. Cela devient une habitude. On ne marche plus, dès vingt ans, qu’en fixant du regard le bout de ses chaussures. La routine nous permet d’éviter les obstacles. Poteau, à gauche. Feu de circulation. Rouge. Vingt-quatre secondes. Huit voitures, les mêmes qu’hier. Il est six heures dix-sept.

De l’autre côté de la rue, l’homme au grand manteau noir sort de chez lui, se retourne, verrouille la porte, vérifie. Il ramasse son journal, ancre bien son chapeau, descend les marches, puis disparaît dans la ruelle sous le regard d’une voisine qui l’observe de sa fenêtre sans rideau. Elle m’aperçoit, disparaît hors du cadre. Six heures dix-huit. Feu de circulation au vert. L’autobus qui roule trop près de moi m’éclabousse le pantalon. Deux blasphèmes, un regard de glace vers la grosse bestiole métallique qui s’en va se repaître de passagers amorphes devant le café. Elle en dégobille deux : le patron du café et le concierge de l’école primaire située juste au-devant.

J’entre au dépanneur. Le journal. La Voix. J’achète toujours la Voix au dépanneur. Pas que j’aie une véritable préférence pour ce journal, de plus en plus populiste, mais leur graphisme est intéressant. Et il présente l’avantage de ne pas être abrutissant comme les tabloïds où on retrouve trois lignes de texte insipide pour une page de photographies haute résolution.
Le commis, type asiatique qui parle un français on ne peut plus québécois, me connaît bien. C’est-à-dire qu’il sait mon nom, et pour cette raison, considère qu’il peut me raconter sa vie et celle du quartier.

– Maxime! Ça va? Tu ne devineras jamais ce qui est arrivé hier !

– Madame Forget qui a gagné au loto? Je demande pour la forme, sans trop d’intérêt. Étrangement, il a l’air déçu de ma réponse.

– Comment tu sais?

– Peut-être parce qu’elle échange compulsivement toute sa monnaie contre des billets et qu’il ne se passe rien de trop excitant ici, en général.

– Ça aurait pu être un hold-up ou un début d’incendie, je ne sais pas… À l’entendre, j’ai gâché sa journée. J’en aurais honte, si j’arrivais à m’expliquer qu’un gars potentiellement intelligent comme lui passe ses journées à moisir derrière un comptoir de dépanneur à échanger des futilités avec des clients un peu con, comme moi. Il se ressaisit et poinçonne le prix du journal sur sa caisse enregistreuse. Un dollar, s’te plait.

– Ça a monté?

– Cinq cents de plus, je ne pense pas que ça fasse un trop gros trou dans ton budget. Vraisemblablement, je l’ai vexé. Pourquoi tu ne t’abonnes pas, de toute façon? Il a raison. Je devrais m’abonner. Ça me coûterait moins cher. Une femme m’a appelé récemment pour me proposer un rabais avantageux. J’ai refusé. Je sais pertinemment que je ne m’abonne pas parce que ça représente un engagement, et que je ne veux rien savoir d’aucune forme d’engagement, même si le journal fait partie de ma routine. En fait, c’est précisément parce que la lecture de la Voix est inscrite dans mes habitudes que je refuse de m’abonner. Il est plus aisé de quitter la routine quand rien ne nous y lie.

Je ne suis pas certain que mon ami chinois comprendrait le raisonnement. Pas qu’il soit idiot, seulement, il vit dans une illusion simpliste où il suffit de résilier l’abonnement quand on n’en veut plus.

La réalité est beaucoup plus complexe.