Mardi III

Le patron du café m’accueille avec une moue. Instinctivement, je regarde ma montre. Six heures vingt-cinq… Je lui renvoie un sourire digne des starlettes d’Hollywood : faussement enthousiaste et figé, le coin gauche de la lèvre supérieure légèrement relevé. Je ne peux rien pour cacher le dégoût; c’est un sentiment trop authentique, qui se profile de l’intérieur vers l’extérieur, en réaction à cet extérieur. C’est un mouvement naturellement violent, qui répond à une intrusion dans mon confort. M0n illusion de confort. Ma complaisance dans l’inconfort. Un inconfort que j’ai choisi et qui conséquemment m’est passablement confortable, assez du moins pour que je souhaite qu’on m’y laisse tranquille.

Le patron du café m’accueille avec une moue. Instinctivement, je regarde ma montre. Six heures vingt-cinq… Je ne suis pas en retard, j’ai pris soin de ne pas faire claquer la porte, j’ai essuyé mes souliers sur le paillasson, je le déteste, il me hait, je suppose que c’est suffisant pour que nous grimacions.

— Est-ce que je suis si laid à voir?
— Plus que jamais. Un distributeur à glaçons, trois mots qui en sortent, durs, translucides, qui s’éclatent sur le plancher, se répandent, en pièces, sur le plancher de bois. Vieux salopard qui se permet de lire dans mes pensés. Évidemment, je ne les prononce pas, ces mots. Je n’en prononce aucun. Petit sourire de sa part, esquissé, comme du crayon de plomb sur une serviette de papier, pâle, flou, déchiré…
— Quand tu me sers ton rictus de plastique… habituellement, c’est pas bon signe. Si ça t’embête pas, je vais me contenter de la cuisine pour ce matin, tu feras le service. Quelque chose dans ton attitude me dit que je ferais fuir les clients…

J’acquiesce à sa demande. Ironiquement, il est plus drôle quand il est malheureux. Connard.

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