Lettre d’émission.

À l’emmerdeur,

La présente est pour vous informer que je fuirai, à compter d’hier, votre establishment.

Voici un mois que je suis emmerdé de votre compagnie, et je ne crains plus de constater qu’elle contrevient à mes plus intimes convictions. Je tiens à préciser, davantage pour moi-même que pour sa majesté, qu’aucune raison de santé ou nouveau départ ne me force à quitter. Seulement, vous comprendrez sans doute ma hâte de partir, compte tenu de ma haine de pâtir.

J’ai connu l’entreprise bien avant que vous l’annexiez à votre portefeuille et je puis vous dire avec tout mon irrespect qu’elle fut naguère un endroit où il faisait bon travailler. Ce temps étant révolu, j’ose espérer que vous tardiez maintenant à trouver un nouvel employé sous-payé acceptant de se faire engueuler quotidiennement pour des fadaises ou des fraises.

J’aimerais au passage souligner qu’il m’a été pénible d’endurer votre chiant aplomb boomer­ et votre pédantisme, de même que votre VUS. Votre irresponsabilité à l’égard de la société n’a d’égal que mon mépris pour vous. Par ailleurs, sous aucune considération je n’en aurai pour les monarques qui, parce qu’ils ont réussi à force d’artifice et de mensonge, croient comme vous en avoir à remontrer aux potentiels serfs.

C’est pourquoi, m étant une lettre de démission et aussi de majeur, je vous les adresse conjointement.

Acceptez avec déshonneur mes salutations indistinctes,

Votre infidèle cavalier,
moi.

Le carrefour des mort-vivants

Et un jour, apparemment, on se relève. On ne meurt pas, gisant. On agonise, tout au plus, parfois longtemps, puis on se met debout et l’on marche. De toutes les fois où l’on se dit : «Ça y est, je meurs», rares sont celles où le sentiment se trouve avéré.

Or, seul, debout, avec plus personne au chevet, personne qui soit accroupi au dessus de soi, plus de fleurs sur la petite table, on n’a plus alors le choix que de se glisser les pieds dans des sandales de cuivre ou de fonte, puis de se mettre en route.

Déjà c’est un processus laborieux. Pour qui n’en a pas l’habitude, se relever de la mort n’est pas chose facile. Lapalissade. Grotesque. Les morts aujourd’hui sont mis sous verrous, avant d’être mis sous terre, alors imaginez! Il n’y a qu’aux fous à qui on donne des ailes — de belles grandes ailes «H» de béton et de brique, spacieuses et hospitalières. Les morts vivants, ces nouveau nés aux pas pesants n’ont pas cette chance. Ils avancent lentement, autour du carrefour, n’anticipant aucune décision quant à la direction qu’ils prendront. Ils savent qu’ils tourneront, longtemps, rondement, et ne choisiront peut-être même jamais leur route.

Le carrefour des mort-vivants est un petit cimetière où des hommes et des femmes, qui hier forgeaient des structures incroyables, sont empilés à la verticale dans des cercueils verrouillés qui s’ouvrent par devant. Lorsque la pluie tombe en hordes de goutelettes serrées, on en voit de ces zombies rompre leur carapace de bois et de fer, pour se lever péniblement. En dépit de ce spectacle qu’on imagine effrayant, l’endroit n’est pas si lugubre. Seulement triste.

Triste comme un aéroport où tous les passagers partiraient pour toujours en bimoteur.

Une ancre et une plume

À quelle heure, le prochain envol?
Suspendus, nous parcourrons Venise
Bien au dessus des amants des gondoles
Qui couleront bien un jour
Tous les bateaux un jour pourrissent

C’est quand, la prochaine marée?
Je mettrai à l’eau une ancre et une plume.
Je me noierai de certitudes
Et sous les brumes je flotterai.

À quelle heure, le prochain envol?
Pieds battants, nous partirons fébriles
Bien au-delà des sommets des alpes
Qui sont tous trop petits
Tout continent n’est en fait qu’île.

C’est quand, la prochaine marée?
Je mettrai à l’eau une ancre et une plume
Mais tu sais bien, je m’en irai
La mer finit toujours par tout bouffer.

Leçon d’humilité.

Ce blog ne va nulle part. Si vous avez un peu de temps à tuer, tentez l’expérience de relire. C’est pas si long. Et vous vous demanderez peut-être : c’est bien beau, tout ça, mais où il voulait en venir, ce con?

J’ai un peu oublié.

On oublie tous.

Et ça aussi, je vais l’oublier.

Si l’auteur peut se permettre une intrusion : je ne me souviens plus de ce que je ressentais au début. Je ne me souviens plus de mon incompréhension. De ma haine. De mon refus catégorique. De ma dérision. De mon impossibilité. De ma frustration. De mon non-sens. De ma découverte futile. De mon implosion. De mon rhinocéros dans l’estomac. De mes papillons dans les cheveux. De la neige fondante. De la chiasse extérieure. Et intérieure. Je ne me souviens plus de la douleur.

C’est à regrets que j’aime.

À plus tard.

JP