J’avais oublié Ferré

Souvenir d’une ère que je n’aurais jamais dû quitter. Le sentiment associé à l’insouciance, à la véritable légèreté de l’être

C’est un gosse qui s’amuse. Qui incarne la vie d’un autre, et qui se trouve réjoui de scander à haute voix « y’en a marre », comme si de chanter « On vit on mange et puis on meurt, vous ne trouvez pas que c’est charmant et qu’ça suffit à notre bonheur » avait quelque chose de joyeux.

Pourtant je rayonnais. Je vivais de le hurler, de le croire. Mais risiblement, je ne comprenais pas. J’y pigeais rien. Et c’était bien.

Publicité…

Une fille, peau nacrée, en tenue légère mais découpée. Sans fioritures, droite. Tenue style sport d’intérieur. Style bikini presque grossier, mais quelle fille! mais quel corps y’a là-dessous. Devant elle, un miroir. Beau miroir. Cadre de bois, look moderne. La fille s’y mire. Regard chaleureux dans la glace, de quoi vous faire fondre.

Titre : « Réfléchissez-y »

Signature : « Vitrerie Du Sablon »

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Je sais, ça fait très «99 francs», mais ça expose bien l’idée que j’avais en tête dans le dernier texte.

Tout l’occident…

Au XXIe siècle, l’occident a fait le pari de se gouverner et de re régir grâce à une loi naturelle et strictement animale. Le désir de reproduction de l’homme allait devenir le Graal de la modernité : désormais, plus que le phénomène lui-même de procréation, ce devrait être l’idée de la procréation qui discriminerait riches et pauvres, populaires et impopulaires, dominés et dominants.

Qui a un sex appeal grandiose obtiendra carrière grandiose, richesse, et popularité. Désormais, le potentiel de reproductivité distingue physiquement ceux qui réussissent de ceux qui échouent. Cela a avoir avec la beauté physique (évaluable selon des critères sans cesse remodelés et toujours plus sévères), avec la personnalité (la plus légère et la plus accessible étant la plus prometteuse de jouissance physique), ainsi qu’avec la conformité sociale de l’esprit, proposant que quiconque est peu critique risque moins de vous critiquer. Quoique…

En effet, on n’a de cesse de considérer la femme fatale inaccessible, belle et distinguée mais toujours réservée de prime abord. Ce qu’il y a de merveilleux dans l’american dream, c’est que même le dernier des nullards, s’il éveille ses profondes pulsions, deviendra grand tombeur et accèdera aux plaisirs «interdits» avec ladite femme de ses rêves.

De son côté, l’homme de rêve est probablement beau et grand, fier, mais dans son regard, ce « petit quelque chose » mystérieux lui confère la supériorité intellectuelle sur son espèce, dont la potentielle partenaire n’a toutefois rien à faire.

Dans un cas comme dans l’autre, cette projection d’inaccessibilité n’est généralement qu’un superficiel maquillage qui s’estompe dès que l’approche du sexe opposé est assez convaincue. Dans les faits, le bluff est roi.

Dans les faits, les gens en ont marre. D’un point de vue extérieur, c’est-à-dire lorsqu’ils ne sont pas en situation de drague, hommes et femmes disent être las de cette façon de faire, de cette façon d’être, dont les publicitaires et les magnats de la presse-rapide nous bombardent. Dans les faits, le paradigme est réel mais pas moins interchangeable. (Il faudrait à ce sujet exposer les réflexions de Sartre et de Heideger sur le réel…)

La prémisse de base de notre société de consommation est que pour permettre à l’économie de « rouler » (ou pour nous rouler, c’est selon), on doit réduire l’humain à sa plus simple expression, animale, qui lui commande la survie de son espèce. Exit le reste. C’est, ont identifié les psychochosificateurs et autres réflexionneux de la bêtise humaine, en se fiant à cette nécessité corporelle que l’on peut en venir à dominer les masses. Car ainsi regroupés en une société de travailleurs, les individus sont fourvoyés par leur propre inconscience. D’abord occupés à travailler pour gagner leur pain puis leur grille-pain, puis leur boîte à pain puis leur comptoir pour poser la boîte à pain, puis leur cuisine rénovée avec armoires de bois verni au lieu de stratifié pour entourer le comptoir puis leur maison luxueuse pour bien asseoir cette cuisine digne du chef en vous puis leur aménagement paysager afin que cette maison de rêve trouve refuge dans une ambiance mi-campagne, mi-ville… (enfin vous comprenez) La poursuite de cette conquête commerciale des masses ne peut plus passer que par la confusion.

Ainsi, on balance au potentiel consommateur l’idée, vendue avec le corps. La confusion est assurée : l’idée pénètre l’esprit, le corps l’y fait coller. On se sert de l’esprit, de la pensée humaine, pour lui faire croire que son existence n’est que procréation.

En vérité, on ne vend pas le corps. On continue de vendre l’idée, mais celle-ci est désormais « justifiée » par une pulsion naissante. On fait entrer le corps dans l’esprit, confondant du coup l’individu. Il participera à la masse en voyant le corps, en l’intellectualisant puis en justifiant socialement son geste par la réflexion, pourtant erronée, qu’il a eue.

Je n’élabore rien de nouveau, direz-vous. Pourtant, si. D’abord un exemple, ensuite un dénouement.

Je suis au coin de la rue, j’ai faim. Je vois deux arches jaunes. « C’est ça que j’M ». Faux. Pourtant, j’ai faim et McDonalds est là. J’entre. Pub géante. Deux hamburgers, deux dollars. Wâw. Quel beau sandwich. Je sais que celui que je vais manger sera beaucoup plus laid et goûtera étrangement différent de ce que j’imagine. Intellectualisons. J’ai faim, ce hamburger est tout à fait convenable. En fait j’en aurai deux. Ça n’est vraiment pas cher. Bon. Voulez-vous la frite, me demande la fille. Distrait par ses beaux yeux. Ouais. Le coke? Ouais. Chausson aux pommes? ouais. ouais ouais. Qu’est-ce que je veux vraiment? Basic instinct.

Je veux du plaisir. Depuis des millénaires, je — humain — veux me reproduire. Promesse de fantaisie, la coquette jeune fille me propose tout plein de trucs dont je ne veux pas mais j’ai déjà fait mon intellectualisation de la journée. Tant pis. Je prends tout. Et votre numéro de téléphone, mademoiselle?

JAMAIS la « peseuse de pitons » de chez McDo ne m’aurait demandé si j’avais faim pour un chausson. C’eut été trop rationel. VEUX-TU?. Oui je te veux. Tout ce que tu veux.

Voici ce que je propose. Qu’on change de paradigme. Qu’on s’adresse à l’intelligence de l’humain. Véritablement. La base de l’humain est-elle vraiment la « sélection naturelle »? Si l’humain est doté de la capacité de penser, c’est donc que, peut-être, la prémisse de base de l’humanité n’est PAS la sexualité. Celle-ci n’est possiblement qu’un moyen de subsistance qui aurait malheureusement pris une trop grande place, fruit des autres bassesses du genre humain, notons au passage: la paresse.

En publicité comme en mass-média, voire en politique, on s’est jusqu’ici intéressé au plus petit dénominateur commun de l’humain en tant qu’espèce : le sexe. Jamais en tant que rassemblement d’esprit. L’esprit humain a forcément un plus petit dénominateur commun, qu’on a jusqu’ici confondu avec celui du corps animal qui le soutient. La publicité peut avoir autant de force si on s’intéresse à ce qu’il y a de plus profondément ancré en nous, à savoir, la … le …

Qu’on le questionne, qu’on l’y force. La bouffe de chez McDo peut rester sensiblement la même. Mais pourquoi ne pas demander au client de réfléchir, vraiment, à ce qu’il a faim pour manger?

Pourquoi? Parce que ça n’est pas payant, à court terme. Parce que ça n’est pas payant, pour la chaîne. Alors quoi? Le mouvement doit venir des masses elles-mêmes, mais risque fort peu de se faire. ALORS QUOI?

Laissez-moi plancher là-dessus. Je vous reviens.

Je vous dominerai.

« Vous savez ce qu’on dit dans ces circonstances? Hein?

Bande d’ignares, vous n’osez même pas savoir. On dit « pff ». On dit « zzzut! ». On dit « meu oui, meu oui! ». Ou encore on dit « Cause toujours, tit cul, mais commence par faire de l’ordre dans tes jouets ». Mais vous ne savez pas, ce qu’on dit.

Vous ne me le dites pas. Vous en pleurez, plutôt, pauvres branchies bouchées d’estampillettes moites. Vulgaires souliers de cuirette usés. Chiffons malodorants. Bécanes rouillées sans roues qui roulent. Z’êtes caves. Z’êtes mous. Z’êtes pas meilleurs que moi. Quand on sait parler en réunion, faire plier les patrons, parler aux dames, stopper les blagues grasses des non moins gras plombiers, alors quand on sait faire tout ça, on ne dit pas « Ga’dons le bô bébéi! Allô! ta ta ta toi… »

I will dominate; un jour, quand j’serai grand… »

Il rit d’une voix stridente et on lui mit sa suce entre les dents.

I want to dye.

Je veux mourir. Pas exactement aujourd’hui, mais bientôt. Pas exactement maintenant, mais tantôt. Pas précisément mourir mais disparaître. Pas justement partir, mais inconsciemment m’éloigner.

Je prône la destruction, parce que tout est mort de toute façon. J’exige la servitude, parce que rien n’est souverain. Je veux dominer, mais courtement, parce que la beauté est éphémère et la laideur patiente.

Entre temps, j’erre.

Avant de m’éteindre, avant de brûler, de noircir, je veux de l’artifice, de la couleur. Du ciel rose et de la mer turquoise. De l’extravagant, de l’orangé partout, du rayé pourquoi pas.

Avant d’être rayé de cette surface, je veux y laisser ma strie, ma marque, mes couleurs. I definitely want to dye.

Éloïse et le vide

Lui faire l’amour équivalait pour lui à s’extraire du monde. C’était un moment de calme, de paisible volupté. Dire qu’il s’étendait peut-être trop aisément dans sa confortable intimité ne serait pas mentir, mais dans un soucis de vérité, on l’accuserait plutôt de s’être bassement vautré dans une luxure dérobée lâchement à celle qui l’aimait. Et que lui, que lui feignait d’aimer, par la parole qu’il savait manier avec tant de facilité, et qui lui servait si bien pour obtenir ce qu’il désirait tellement : le vide.

Avec elle, il se sentait vide, et enfin libre. Elle était une voilure dorée sur des mats rouillés. Elle était un décor doux à l’œil sur une vérité sordide et brute. Une peau de soie sur le squelette du monde, rugueux et pourri de l’intérieur. L’accessible trêve d’un interminable cauchemar.

Lorsque leurs deux corps s’enlaçaient, c’était toujours à la lumière tamisée de l’ampoule électrique. Oh! Mais cela n’avait certes rien à voir avec le romantisme du cinéma hollywoodien. Il avait la caresse paresseuse et le baiser sec. Chaque geste relevait de l’automatisme, comme la routine quotidienne du retour à la maison. Il soulevait sa robe comme on ouvre la porte. Il lui caressait la nuque comme on retire son manteau, le dos comme on s’appuie sur la patère, pour retirer ses chaussures comme il lui retirait ses chaussures. Et leurs gestes s’enchaînaient toujours pareillement, et leur plaisir était toujours aussi sommaire, aussi anodin que de s’asseoir dans le fauteuil pour lire dans le journal la suite des nouvelles de la veille, pour, enfin, s’assoupir, confortablement bras contre le corps, mains sur le ventre.

L’aspect british de sa vie se traduisait par une très britannique notion du plaisir. Comme un plum pudding, simple et efficace. Lui, comme quelques électrons épars, dans la matière optimiste qu’elle était. Il l’aimait, tous leurs atomes étant vaguement crochus. Il l’aimait, leurs êtres tendant à la neutralité, l’expression du vide. Il avait besoin de sa charge à elle autour de sa vie à lui. Il l’aimait comme un homme plein de vide est attiré par le plein de plein, pour former le rien.

C’était, il importe de le dire par soucis de chronologie, bien après qu’il eut quitté le Jardin. Bien après que la neige eut à nouveau tombé. Bien après que des vents glacés eurent tout frigorifié. Encore.

Messe Dominicale

Pleurons sur notre jeunesse fuyante. Pleurons, oui, pleurons notre Églises esseulée, délaissée. Laissée à elle-même dans sa vieillesse et sa sénilité. Elle fuit de partout, notre Église, dans une irrespectueuse incontinence. Ô, notre haut, Haut Savoir de l’existence humaine est durement, sévèrement éploré. Pleurons notre solitude, ce matin, car Dieu n’habite plus le coeur des jeunes. Les Jardins que notre bon Père a aménagés en nous sont méprisés, mes pauvres vieux, parce que la jeunesse nous fuit.

Pleurons, et mourons, enfin.

How do we say "Béton"

« How do we say « Béton »? Anyway I don’t like Montréal ’cause there’s too much of it ».

Et je me sens comme une brique, aux propos lourds d’incohérence et d’inconsistence. Je suis une bouette de fabriquation de brique, I’m « unthickened, not yet dried ciment », I’m an elephant, a stupid white elephant with wide ears and loooooong nose, I’m a stupid frenchie, un être futile et sans profondeur, je suis une surface plane, je suis plat et rond, je suis un cercle vide, je suis une carotte, je suis un ruban à mesurer, une rondelle d’oignon, je suis cru, je suis une branche morte, une métaphore déambulatoire, je suis un exercice stylistique ardu et incomplet, je suis une odeur rance de canelle brûlée, je suis une chienne excessive, un poison riverain, je suis de la crème blanche, visqueuse, je suis une grimace en sourdine, un cardinal lourd et désoeuvré, je suis une tache noirâtre, un vent de l’ouest, un champion du ku klux klan, une merde transationale.

Moi je cherchais quelque chose à dire et la conne elle a pas vu la métaphore, c’est sûr. Je me rassure souvent en me disant que je vaux plus que l’image que je projette, mais… doute. Un projecteur qui éclaire 1000 watt vaut mille watt, fait circuler mille watt. That’s all.

De toute façon c’était une bouchée d’anglaise, n’est-ce pas? Goûte amer comme le thé noir. I’m drowning in it. Et dans des discussions superficiellement engagées et superficiellement engagées.