Prémisses disgracieuses

la nostalgie est un poignard, vous fend de bas en haut, sur le rythme d’une vieille
chanson brûlée. morte. décapée. comme les portes de la jeunesse, avant le vermeil
qu’on y étendit, plus pâle que le sang, pour faire plus vrai, pour vivre en éveil
et se faire invitant, pour les années, les ennemis, et les coups de poignard en veille.

la chair cède doucement sous le fer acéré
tissus discontinus et fibres rompues
regard hagard et vestiges fustigés
un réseau d’élastiques tendus
tranché retranché à chaque avancée
le froid du fer refroidi par la fièvre
et l’absolu et l’adhésion du fiel
au couteau sans trêve ni trépas
que d’abjectes infractions insinuées
dans le thorax du lendemain qui n’est pas
de ses douces mains de verre embué
sous la loupe de glace que tend l’horloger
le vermillon liquide se récolte à l’augée.

complet tendu étendu ouvert disposé réceptacle hôte auberge accueillant
Le matin resplendira la peau des endeuillés les restes seront gommés,
non sequitur.

envie de vomir non réprimée

Elle t’appartient, vieille génération qui rêvait de farniente, bien étendue sur une plage de sable raffiné. Tu rêvais de grande vie, de liberté, et l’on sait que tu n’es grand et libre qu’à sirotter un jus d’orange, préssée à même l’arbre. On dit de l’humain qu’il est capable du pire et du meilleur, de toi que tu est vieille et molle.

On dit aussi t’avoir vue aujourd’hui courbée, endolorie des brûlures d’une vie à cuire dans nos fours, 100% fraiche, 100% blanche, 100% pure, triée à la main, cuisinée des meilleurs ingrédients, mais tu n’as plus la saveur d’antan. Ça ne s’améliorera pas, dis-tu. Certes, non. Tu sais ce qu’on dit de tes petits enfants?

Ils sont lâches. Ils sont violents. N’ont plus de morale. Baisent à 12 ans. Se déchirent l’anus à 14. Fument. Boivent. Se droguent. N’est-ce pas qu’ils sont beaux, tes petits enfants?

Ils sont vils, prétentieux, superficiels. Ils se vêtissent de ridicule. Ils flashent.

Ils profitent de la vie qu’on leur a détruite avant de la donner.

Comme si c’était un vrai blog.

Allé voir munich hier. Merde, Spielberg est une loque. Un téléviseur explosé. Un radio sur «mute». Un excrément. une pustule sur la face du cinéma. Un oisillon à la cervelle écrasée sur la branchaille du nid familial. C’est une plaie béante sur la poitrine vulgairement exposée de Marie-Josée Croze, d’où s’école le sang visqueux de ses créations.

Merde, quel con.

Professionnel…

– Je ne suis pas tout à fait certain de ce que j’avance… À ma première lecture, vers le dixième chapitre, j’ai eu l’impression que l’auteure voulait nous faire ressentir…à la relecture, ça a plein de sens…
– Évidemment!
– En fait, l’idée se développe… peut-être pas la culture …
– Vous êtes ici pour.. ..qu’à me demander…
– …intéressant de voir… le sentiment présenté dans tous les chapitres… en fait le même que ressent…à cette différence près…comme une mise en abyme du propos…le sentiment…l’émotion…vivement…pour ma part, je doute que…
– mais non, mais non… c’est une évidence… pas être un génie pour…
– pardon, ça…
– … l’ai su dès le premier chapitre…
– Bien sûr, comme je vous disais… les références… pas le «background»…
– …l’expérience…. mes connaissances…
– Oui,… qu’une ébauche…
– … pas même une…Moi … conseillerais…
– …un conseil comme un ordre…
– … n’aviez pas la culture … moi…
– Il me semble … capable de m’interroger…
– Moi, je … Vous êtes libre, mais je vous conseille, parce que je… moi… d’habitude…
– Que faut-…
– Les étudiants… j’ai raison… je SAIS que… d’autant plus que je connais bien le correcteur, dit-il d’un air entendu.

Mémoire usinée

si tu vivais dans l’ancien temps
tu entrerais dans un monastère
– Guillaume Apollinaire

Rintintin ratisse les machines
Tchekov rue ses espoirs succincts
Sur la ribambelle des lendemains
Et penche, pence la muraille de l’usine

Rigueur éternelle foutaise malotrue
Rédemption profitable déganguée morue
Faut-il fuir, foutue finance
Des marais, cancre et nauséabondance

Les méridiens en exil n’entravent
Aucun des rieurs, beau séjour maladif
En contrée subterfuge malodieuse. Behave!
Et vente, vente l’assensceur fautif

Montons, mentons, méphistophélès est las
Là, morbide industrieux déloyal
Et, fourbu, fixant la splendeur fantassine
Rintintin ratisse les machines

Suant sur son suaire l’ancien sang
Et le monde après lui se suspend.

«Il suffit d’un baiser pour apprendre l’amour»

Ce qu’on en dit des conneries sur l’amour. Ce que ça nous occupe, d’en parler, d’un sentiment qu’on s’est inventé, quelque part au Moyen Âge, pour faire mignon, pour faire valeureux, pour l’honneur. Ce qu’on s’en crée, des raisons de vivre, ce qu’on s’en balance, au fond. C’est qu’on veut mourir quand ça commence,tout comme quand ça se termine, et on souhaiterait l’éternité du moment dès qu’on copule, dès qu’on jouit,dès qu’on est ensemble et qu’on espère. L’amour est un sentiment qui vit d’espoir et meurt du désespoir.L’amour, l’amour c’est comme une fleur, c’est comme… Mais faites-moi rire!

L’amour existe-t-il? Encore? Chante Céline! Nah. Sans blague. Ce qu’on en dit des conneries, sur quelques stupides papillons qui s’excitent quelque part entre le coeur et le bas-ventre, à l’idée d’un peu de tendresse. Et ce qu’on en ferait des bassesses pour ces papillons-là.

Au fond, ce qu’on veut, c’est l’inaccessible toujours recréé. Ce qu’on souhaite, c’est le sexe, et la grandeur du sentiment; qu’on puisse en parler, et même l’analyser de façon rationnelle. Pouvoir dire «je l’aime parce que…», comme si «j’aime» ne suffisait pas. Qu’on puisse en parler, parce que ça nous change de parler du beau temps.

Ce qu’on en dit, des conneries.

Au fait, je vous ai dit que j’avais une copine?

La nature morte

Je connais bien peu à la peinture. «Rien», serait plus juste. C’est peut-être pour cela que j’ai de la nature morte une image plutôt terne. Plutôt en teintes de gris, plutôt en formes floues, plutôt en urnes de terre brune et en fruits déconfits. C’est peut-être pour ça que j’exècre les pots de fleurs et les prunes empilées. Ça me donne toujours l’impression de manquer d’imagination, avec un arrière-goût d’inachevé.

De la même façon, j’ai connu jusqu’ici, tout au long (mais bien court) de mon parcours scolaire et personnel, de nombreux enseignants qui avec mes parents m’ont transmis le goût de la réflexion, de l’écriture, de la musique, de la et du politique, de la communication, de la littérature, de la langue française, et avec tout cela ou en découlant, le goût du savoir.

Mais de par leur attitude, mais de par leurs réalisations, bien peu ont suscité chez moi la poursuite d’objectifs. Apprenant de leur exemple, je n’ai jusqu’ici rien fait. Combien d’esprits lucide n’ont jamais eu le culot de gouverner? Combien d’adroites plumes n’ont jamais publié? Combien d’orateurs magnifiques n’ont jamais pris parole? Combien de voix mélodiques se sont tues? Combien d’idéalistes ont refusé leur philosophie au monde entier? Combien de voyants ont éteint sur leurs visions les projecteurs? Combien de pinceaux éclatés se sont vite rangés dans de bien sombres habits? Combien d’idéateurs ludiques se sont contentés du cynisme ambiant? Combien de stupides policiers ont joint les rangs des forces de l’ordre (ça, oui, un, et heureusement d’ailleurs!) Combien d’acteurs justes ont appris leur rôle de père, de mère, d’enseignant, jugeant du bien-fondé de leur sage décision par l’idée unique que la communication de leurs passions à des jeunes était bien plus valable que la pleine réalisation de leurs capacités?

Et moi, Scott Towel, Spongi Towel de la petite rhétorique d’école de campagne, j’ai tout imbibé, jusqu’à vouloir devenir comme eux, enseignant. Mais l’enseignant-raté, qui depuis la grèce antique, qui depuis l’école mésopotamienne, veut influencer à son tour la jeunesse, pour lui ouvrir les yeux et l’esprit sur le monde, sans jamais oser le faire lui-même, a-t-il sa place auprès des jeunes?

Peut-on espérer quelque chose de bon d’un enseignement théorique? Fut-il bon de faire profiter la jeunesse d’un savoir, d’une connaissance, d’une passion, s’il n’y a plus de l’aspiration que la part liée à la transmission d’un tout abstrait concept, alors qu’apprend-on à notre jeunesse? On lui apprend l’Être, le Paraître et la répercussion de (notre) petite envergure. Avec un enseignement formé d’espoir de transmission, ne formerons-nous que des enseignants?

L’enseignant marquant, le grandiose, l’enseignant-dont-on-se-souviendra n’est-il pas celui qui pousse plus avant ses réalisations? Qui, loin de se contenter de marquer de petites considérations extra-temporelles une ou des générations, s’inscrit dans son ère, et rédige à tout moment l’histoire de l’évolution humaine?

J’en ai contre le caractère mars plastic du corps enseignant, qui s’est dévoué pour faire de mon expérience scolaire un moment agréable, en s’effaçant lui-même. En me montrant l’exemple de celui qui agit à petite échelle, espérant me faire agir à grande échelle, en se disant qu’en semant des graines il obtiendrait une plante. Mais à l’échéance, j’ai bien peur que le haricot ne produise que d’autres haricots. Et il faudra bien un jour un haricot noir, un cancer horticole… On espère trop de mutations génétiques chez les enseignants.

Je veux être l’enseignant-haricot qui fera pousser un bananier. Faut-il alors que je me fasse avocat (du diable?) et que, moutarde, je me monte au nez, que pomme, je me tombe sur la tête et que raisin, je me vinifie?

Pour que la saison du haricot soit fructueuse, il faudrait bien d’abord que je me plante, que je pousse, que je bourgeonne, et que je regarde plus loin que le bout de mes feuilles. Il y a là tout un jardin auquel je touche, par mes racines et par les tiges, tout un ciel où monter en graines et toute une terre à enrichir.

Alors, seulement alors, mars plastique n’aura pas eu tort. Je suppose qu’il faut parfois effacer quelques mauvais traits pour qu’un coup de crayon donne vie à la nature morte.*

D’accord. Prenons courage, mais surtout prenons engagement. J’ai vingt ans, le quart ou le cinquième d’une vie — c’est déjà plus long que la vie d’un haricot, et encore plus que celle d’une gomme à effacer, surtout dans le coffre du castor-mangeur-de-gomme-pour-vrai que je suis — et encore du temps, mais pas tant, pour être. Alors au pinceau, maestro, et chante ta pseudo-lucidité avant l’alzheim’ère.

* Comme ce texte aurait lui-même mérité quelques attentats revendiqués par Staedler.