C’est un monde à mi-chemin entre la vérité et le monde que l’on connaît. Il n’y a ni nuages ni soleil, que de l’ombre, à perte de vue, à perte de songes. Car on n’y voit que très mal, à la manière des chiens et d’autres mammifères qui n’ont pas su privilégier un de leurs sens. Et sous le soleil d’ombre, des lézards frigorifiés se pavanent tous membres crispés, sur le sable fin d’un désert.
C’est un monde à mi-chemin entre la vérité et le monde que l’on connaît. Il n’a rien d’un paradis comme la bible nous en parlait. Il n’a rien non plus d’un enfer dont les démons des immenses cathédrales nous effrayaient.
C’est un monde à mi-chemin entre la vérité et le monde que l’on connaît, et nous n’y comprenons rien parce qu’inhabitués, et jamais nous ne nous habituerons, c’est là le propre de la vérité ou de tout ce qui s’en rapproche : jamais ô grand jamais l’Homme ne voudra-t-il y aspirer, elle est bien trop grande, bien trop dure. Elle suppose trop de connaissances désavouées, trop de supputations abandonnées. Elle suppose une fin et un début, elle suppose le recommencement de ce qui n’a jamais été commencé, ni ne sera terminé, jamais.
C’est un monde à mi-chemin entre ici et la vérité, c’est un monde où tu te travestis humblement, où le monde n’est plus toi, ni moi, moi, c’est un monde, un ailleurs, où le monde n’existe plus. Un paradis sans nuages, un enfer sans feu, c’est une forêt vierge qui ne l’est plus sous nos pas qui se perdent dans l’écho des branches, c’est un univers clos qui se referme sur nous et nous laisse trop nous échapper.