Noël à cran

La Main des pauvres s’est mis belle à matin.
La St-Hubert, elle s’est acheté une belle robe blanche en discount, pour se marier avec Noël.
‘Est en retard, on est le vingt-six. T’imagines-tu ça, le gros? Être en retard pour te marier?

Tu cours, tu cours, le long du rang, dans ton suit neuf, la sueur au front, l’haleine d’un charettier édenté, la chienne au coeur que tout le monde ait crissé le camp au party.

Qu’Marianne, elle ait dit «oui, je le veux»
quand le curé lui a demandé
si on callait ça off?

Puis là, t’arrives. Tout le monde se saoule au champagne.
Toi, tu sirotes un verre de vin de messe
avec le bedeau dans la Sacristie.

Caller off. Ça ne ressemble plus rien qu’à ça, Noël.
Un gros mal de tête puis une absence sans motivation.

J’ai passé la nuit à regarder dehors.
D’un coup que le Père Noël passerait.
J’y aurais offert un Coke.

Y’est pas passé.

Y passe pu depuis une couple d’années…
ça a l’air que les rennes se sont syndiqués à SCFP.
Puis ils sont en grève.
C’est ça qu’Dubuc a dit,
dans la grosse Presse.

Je sais bien, je sais bien,
c’est le carnaval du cliché,
mais je n’y peux rien,
à Noël, je suis nostalgique.

Pis la nostalgie,
parait que ça vaut encore plus cher que le bacon.

America.

Fuck yeah.

Hé Rosaire! Quelle heure qu’y est?
Neuf heures dans vingt? – Merci ben.

Ça doit être noir de monde sur l’perron du future shoppe…

Mon oncle Roger doit être nerveux là. C’est lui qui ouvre la porte c’t’année.

HAha! T’aurais dû voir ça!
Tout à l’heure, la gratte est passée.
Elle a arraché la haie, en avant.
Y’avait des lumières dedans, pis tout’.
On avait acheté ça la semaine passée.
Chez Renaud Bray.

Y vendent des décorations, astheure.

Y savent ben qu’un livre,
une fois qu’tu l’as lu,
tu ne vas pas le racheter,
si la gratte le ramasse.

… Non… Il ne reste plus de café…

C’est plate qu’tu viennes juste d’arriver.
Hier au soir, on a fait cuire la dinde
de Moisson Montréal.
Avec du Kraft Dinner qui restait.
Tout habillés en neu’
de la Saint-Vincent.

On était beaux.

On s’est saoulés la gueule avec les restants du bar de matante Yvonne, qu’est morte c’t’année, pis on a fait venir Kev’ pour qu’y nous apporte de quoi passer la nuit réveillés puis contents…

Un ben beau Noël!

Mais là, j’suis pas capable de dormir.

J’ai juste envie d’me mettre.

J’me cours après la queue comme les années qui tournent en rond, la lumière allumée, le p’tit ciel qui se réveille; j’ai faim, j’ai froid, j’ai la voix rauque puis je bave sur tout ce que je n’ai pas, comme une manière de me faire un territoire imaginaire…

Quand t’as rien, tu t’en inventes.

Comme moi, icitte, qui m’invente une vie de pauvre, parce que je n’ai même pas la misère, comme excuse, pour pas aimer Noël. J’suis rien que las, à boire du cidre avec des badauds, des bardes pis des hosties de carrés rouges, pendant qu’la gratte arrache la robe de la Main, pour violer l’pauvre monde, que Marianne se marie avec la Main, du Tex Lecor dans le tapis souillé des Noëls d’antan, pis que je me fais fourrer à grand coups d’Alain Dubuc, à m’endormir l’imaginaire parce que Noël est une ordure en vente à rabais au mois de mars…

Au bazar su’ Mont-Royal…

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