Une définition au sommet…

GRATUITÉ [ɡʁatɥite] n.f. Caractère de ce qui est gratuit, que l’on donne sans faire payer. Enseignement gratuit.

Même si nos raisons diffèrent, il est difficile de ne pas souscrire au diagnostic de la rectrice de l’Université McGill, Heather Monroe-Blum, qui déclarait la semaine dernière que le Sommet élaboré par le Parti québécois au sujet de l’enseignement supérieur est une vraie « farce ».

Après avoir tenté de discréditer l’ASSÉ en qualifiant la revendication de gratuité scolaire d’irréaliste et de radicale, le ministre Pierre Duchesne se retrouve aujourd’hui face au conseil national de son propre parti qui préconise un gel « ou toute autre proposition permettant de diminuer l’endettement étudiant ».

Devant cet imprévu qui met en évidence le schisme qui s’opère au PQ, dont la base militante-même ne se reconnaît plus dans les positions du gouvernement, Marois est accourue pour échouer à sauver la face en servant aux médias un contresens comme ceux auxquels nous avait habitués le gouvernement de Jean Charest. «Pour moi indexation égale gel », a en effet déclaré sans sourciller la première Ministre.

Non seulement cela ajoute-t-il au poids déjà insoutenable de la dérive sémantique à laquelle nous avons assisté au Québec depuis un an, mais on y voit confirmé ce que nous savions déjà : les décisions du Sommet sont prises, et il faut pour le PQ parvenir à tout prix à les justifier à l’opinion publique, quoi qu’il advienne. Même si l’on doit pour ce faire, et à l’encontre de ses propres militants, réécrire le dictionnaire.

Même s’il faut également renier ses engagements électoraux – d’ailleurs l’argument du déséquilibre du dernier exercice financier sera toujours là pour justifier qu’on n’en respecte aucun, n’est-ce pas ?

Pourtant, de tout ce Sommet, le plus inacceptable sera très certainement tout ce qu’on n’en dit pas maintenant – et qui menace néanmoins de s’y décider.

La différenciation de la tarification (c’est bel et bien de cela qu’il s’agirait désormais) selon les programmes d’études, voire selon l’institution fréquentée, est une menace de marchandisation absolue de l’instruction universitaire. Si l’on paie pour son baccalauréat comme pour un grille-pain, on est en droit de comparer les deux : a-t-on vu la qualité des grille-pains s’améliorer, récemment ? La prochaine étape qui, elle, ne se discutera pas sur la place publique, ce sera l’obsolescence programmée des formations universitaires.

Paradoxalement, l’assurance qualité qu’on tentera de nous faire gober en douce comme devant empêcher cette dérive est précisément conçue pour la stimuler. L’industrie souhaite un arrimage de l’Université à ses exigences, lesquelles sont déjà complètement périmées en quelque cinq ans. Le jour où les entreprises embaucheront des jeunes diplômés tout formés pour leurs besoins, ce sera signe que les diplômes ont perdu de la valeur, pas l’inverse.

Qu’à cela ne tienne, le remboursement proportionnel au revenu (que le Conseil du Patronat garde sous respirateur artificiel dans les médias) vous permettra de retourner sur les bancs d’école en continuant à vous endetter – et ne faire que cela votre vie durant – sans empêcher la famille, comme on disait.

Le centre-gauchisme de surface du Parti Québécois souffre soit d’aveuglement volontaire, soit de l’exact même souffle au cœur que la CAQ ou le PLQ : un tout-à-l’économie qui force une vision bornée à l’immédiat et fait oublier que le peuple est là, partout autour des colonnes de chiffres.

Semblerait que Marois, Duchesne et les autres l’aient oublié, s’ils l’ont jamais su. Il faudra être là pour le leur rappeler, le 26 février prochain, en marge de la Farce sur l’enseignement supérieur.

D’ici là, on a cru bon fournir une définition du mot « gratuité ».

 

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Ce texte a été originalement publié dans L’ASSAUT des sciences humaines. Le bulletin d’information de l’AFESH-UQAM, Édition du lundi 11 février 2013.