Écrire.

Dans mon imaginaire, écrire est une torture qu’on s’inflige à soi-même par nécessité: « écoute, ça ne me fait vraiment, mais vraiment pas plaisir de te faire ça, JPM, mais tu l’as cherché…! », et cetera. Il faudrait sans doute m’y remettre sérieusement un jour, puis arrêter de me conforter dans le sentiment de savoir faire des choses que, finalement, je ne fais pas.

Écrire.

(Allô? Marguerite?)

Ces récents jours, j’ai écrit un gros document super lourd, procédural juste ce qu’il faut (c’est à dire beaucoup trop), un bilan de truc politique qui ne vous intéresse pas de toute manière, et je me suis surpris à le rédiger rapidement, et dans un certain plaisir. Ça s’lit comme de l’eau. Ça s’lit comme un couteau dans poêle. C’est bien bon, à la fois tendre et juteux, mais croustillant à l’extérieur, aussi, tu sais?

Anyhow, ça m’a rappelé que je savais écrire, parfois. Et que je trouvais ça moins pénible que dans mon imaginaire. (Dans mon imaginaire, écrire est une torture qu’on s’inflige à soi-même par nécessité: « écoute, ça ne me fait vraiment, mais vraiment pas plaisir de te faire ça, JPM, mais tu l’as cherché…! », et cetera.) Et qu’il faudrait sans doute m’y remettre sérieusement un jour, puis arrêter de me conforter dans le sentiment de savoir faire des choses que, finalement, je ne fais pas.

Liste des choses que je fais au lieu d’écrire

– Attendre. J’ai l’impression d’avoir attendu l’été tout l’hiver. Et j’ai l’impression d’attendre encore l’été tout l’été. Attendre une réponse. Attendre au lendemain pour en parler. Attendre de pouvoir partir, me sauver, me réfugier hors de mon refuge. Attendre après des meubles. Attendre la fin. Attendre son départ. Attendre qu’il se passe quelque chose. Attendre qu’il ne se passe plus rien. Attendre les vacances. Attendre de dégriser.

– Boire. J’ai l’impression d’avoir bu le lac Erié au complet, mais frelaté, tu vois? De mon enfance, plusieurs images m’ont marqué, mais une en particulier, de cet homme idiot qui avait MANGÉ un autobus. Écoute, on se divertissait bien comme on pouvait, avant Pokémon GO et la COVID, faut croire. Fait que notre bro avait moulu son autobus, puis il consommait ça mellow, jour après jour, puis j’imagine qu’il a fini par mourir de rouille ou d’un trou dans sa tank à essence, mais toujours est-il que je sais de source sûre qu’il avait le foie en meilleur état que le mien.

– Ne pas dormir. Le confinement m’a permis de confirmer à quel point j’aimais me réveiller tôt, et m’a fait prendre conscience de la facilité que j’avais à le faire. Le truc, c’est bien simple: suffit de se coucher, le soir. Ce que je n’arrive pas à faire ces récentes semaines parce que je suis anxieux comme jamais. J’écris « comme jamais », mais en fait, je l’ignore. Parce que la dernière fois que j’ai vécu un haut niveau d’anxiété, je fumais, je buvais et j’étais accoté sur les antidépresseurs. Beau party mix! J’admets sans gêne m’ennuyer de la zénitude que j’ai fini par atteindre en cette époque-là. C’est d’ailleurs la seule chose dont je me souviens de cette époque-là. Ce qui constitue une raison suffisante pour à peu près accepter aujourd’hui de ne pas dormir. Tant qu’à feeler croche, aussi bien le ressentir et s’en rappeler. Ça me fera de quoi raconter à mes petits-enfants. Oh. Non. Meunute. Ce plan-là a avorté.

– Amnésier. Je disais à l’instant que j’allais pouvoir me ressouvenir de ce que je vis, mais je suis loin d’en être certain. Pour vrai, je ne dors pas, je bois trop souvent, puis je ne fais rien. Je risque donc de m’en souvenir comme de la première fois que j’ai cueilli un pissenlit ou nagé sans swim-aids, c’est à dire zéro puis une barre. L’important, c’est l’apprentissage qui en découle, j’imagine? Donc je me souviendrai probablement qu’on peut cueillir des fleurs, et que le corps ne coule pas comme une roche. À part de ça, j’vois pas.

– Chialer. Je ne suis pas si optimiste de nature, fais pas semblant d’être surpris! Sauf que les sursauts de colère sourde, à l’endroit de la société, des conspirationnistes aussi bien que des gouvernements, de la vie en général puis de sa chummy l’ironie du sort, simplement à mon propre égard, au fond, surtout, minent mes journées les unes après les autres. J’essaie de décrocher, de déconnecter, de ne plus lire les nouvelles, de ne pas passer trop de temps à faire défiler des publications Facebook, puis souvent j’y parviens, et je me sens apaisé un moment, juste avant de commencer à trouver les six murs de mon appart (Ben oui. À Québec, on peut avoir les moyens de garder un appart trop grand pour une seule personne.) un peu trop proches. Donc je mets mon masque, je sors, je vais prendre une pinte, je chiale sur la vie avec les boys and girls, puis j’attends qu’il se passe quelque chose et je me couche trop tard. Classique.

J’imagine que c’est une démonstration claire qu’il serait temps de penser à me mettre chum avec deux-trois personnages d’un premier roman. (Avec un peu de chance et de bonne volonté, je réussirais sûrement à ne pas les faire fuir, eux autres…)

Sauf qu’il demeure un problème de taille: je ne pense pas « en histoire ». J’aurais mille choses à dire, mille images, mille regards sur nous et sur moi. Mais il n’y a pas d’intrigue. Mes personnages n’ont jamais rien à vivre. Ça fait pas des romans forts.